J'ai toujours pensé couleurs, matières, sensations et forme.
Quand j'ai fait de la déco et du stylisme, c'est en pensant peinture.
Je travaille essentiellement sur le motif d'après nature, sur le
vif, quitte à terminer en atelier.
L'interaction de ce que je vois du monde extérieur et de la sensation
qu'il me procure est essentielle, c'est le moteur qui sous-tend mon travail.
Les sujets qui m'intéressent sont dans la vie, car j'aime être
dans la vie , et je suis curieuse, j'aime voir et regarder, être
étonnée.
Je veux comprendre et me repaître de ce qui s'offre à moi,
je dessine, pour essayer d'approcher l'essence des choses, en les recréant.
"Je ne vois qu'en travaillant" disait Giacometti .
J'emploie une technique ancestrale, le pastel sec et le fusain sur un
support de papier, que je me suis appropriée en l'adaptant et la
réinventant suivant mes besoins.
Après avoir fait les Beaux-Arts, j'ai pratiqué la peinture
à l'huile, ensuite j'ai cherché une technique qui offrait
les mêmes qualités de profondeur, de couleur, de variété
des matières, de sensation d'épaisseur mat ou granuleuse,
de transparence et ou de superpositions de couleurs, légère
et fluide à la fois.
Avec le pastel, je n'avais plus les inconvénients du séchage
long entre chaque passe, et les lourdes manipulations du matériel
de peinture.
Le pastel sec permet une grande rapidité d'exécution, et
se pratique n'importe où.
Je retrouvai une technique directe ou je peux avancer très vite
pour garder intact la tension, l'inspiration, comme l'on dit, la légèreté
de la touche, où la volonté "intellectuelle"ne
doit pas intervenir.
Mon travail demande une grande concentration, le ressenti, l'instinct
et la pulsion guide ma main.
Bien entendu, ma technique doit être complètement intégrée,
et je dois savoir exactement ce que je fais pour ne pas freiner le processus
de création.
Il a fallu de nombreuses années d'expérimentation, de travail,
pour être débarrassée des principaux problèmes
(je n'ai jamais fini d'expérimenter et d'améliorer mon champ
d'action) car le pastel sec est beaucoup plus difficile que la peinture
à l'huile, surtout que je l'emploie sur des grands formats.
La marge de manuvre est plus restreinte, la matière sature
vite, les retouches et repentirs sont limités, la couleur se fabrique
par couches successives directement sur le papier avec la craie (qui n'est
qu'une poudre volatile) et non pas sur une palette, avant d'être
fixée définitivement.
J'aime la douceur et le velouté incomparable du pastel sec, et
aussi la légèreté du support papier. J'aime son apparente
fragilité .
Anne Malvy
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